jeudi 1 novembre 2012

 

IRèNE @ Périscope w/ Gilles Poizat + Dj Couf Couf


⦍NB : Ce blog s'ouvre grâce à un report commandé et non publié par un webzine ô-désolé-finalement-trop-débordé dont nous tairons le nom. Une occasion de déclarer l'indépendance, avec un des groupes qui manipule le mieux la notion.

Jeudi 25 octobre au Périscope, Carton records nous sortait le grand jeu, à savoir Nek, le nouvel album d'Irène, entouré de Gilles Poizat et Dj Couf Couf.

 

Chercheur de rugosités musicales, tant dans le domaine du rock que des musiques improvisées, le label lyonnais Carton records a le goût de l'artisanal et de la matière brute. Ses disques en croûte de carton véritable sont à l'image de la musique qu'il défend : sobres, d'une identité forte, d'une facture délicate et d'un contact rêche, des objets proustement madeleinisables à haute teneur poétique.

© Aldo Paredes Orejuela

On en veut pour preuve les ballades hallacidogènes de Gilles Poizat, en ouverture de soirée. Seul en scène avec guitare, trompette et pédales d'effets psychotropes, ce songwriter de génie nous entraine dans les méandres d'une forêt intérieure étrangement habitée, où les mots ne nous sont d'aucun repères. Même si on le sait totalement bilingue et compositeur de morceaux teintés d'une folk plus britannique tirant parfois vers le punk-noise, il nous a offert ce jeudi un set comme un très fin fil, fragile, majoritairement en français et en frissons. Ce qui est bien avec Gilles Poizat, c'est qu'on a beau écouter sa musique plusieurs fois, on ne s'y habitue pas.

Un verre de rouge à pied, trois interval sans filtre et quelques références au plus grands airs de sax des années 90 plus tard, j'entends Sébastien Brun derrière la batterie d'Irène nous faire un appel du pied. Il est 23h, un mouvement de foule, peu nombreuse mais concernée, s'opère : ne pas rater l'embarquement, ne pas en perdre une miette.

 Sébastien Brun © Aldo Paredes Orejuela

C'est qu'Irène a déjà fait bien jaser : Lauréat du Festival de Jazz de la Défense (1er prix de groupe et de composition) à peine débarqué de New-York en 2010 et distingué par la presse spécialisée pour son premier Ep la même année, le groupe vient de sortir Nek, son premier album. Nek, c'est un coup dans la nuque, qui ouvre ton front à de nouveaux horizons, un coup heurtant par surprise, qui te fait râler un peu parce que « Mais putain, ça fait mal ! » puis te laisse extasié contemplatif devant l'infini champs des possibles, suspendu dans l'espace-temps. Irène, elle te chope là, devant, maintenant. Poly-gamme, elle se joue de quatre gars qui ne viennent pas nous compter trompette mais plutôt guitare déraillée sur fondu enchainé (Julien Desprez), batterie sèche à t'en faire sauter l'orbiculaire des paupières (Sébastien Brun), saxophones-flamant et tubes essoufflés tournoyant (Yoann Durant), electro en nappe méditative ou bruitiste indus et saxo alto enchérissant (Clément Edouard). 

 Julien Desprez © Aldo Paredes Orejuela

Clément Edouard © Aldo Paredes Orejuela

 
 Julien Desprez et Yoann Durant © Aldo Paredes Orejuela

Irène parle à tes entrailles de la cruelle beauté du monde, et sa brutalité t’empêche de chialer. Bien loin des froufrous nostalgiques de la récitation jazzy, dépassant les mouvements portant dans leur nom celui de 'liberté', par-delà même l'héritage des structures en Cage, Irène est cet instantané, oscillant entre déflagration et contemplation, cette impossibilité de se dérober à ce que la vie a de plus puissant et de plus direct.

IRèNE © Aldo Paredes Orejuela

 IRèNE © Aldo Paredes Orejuela
 

Ovation, rappel et changement radical de registre avec les 45t du loufoque et fascinant Dj Couf Couf. Il est parfait ce Dj, enchaine en short, en tong et surtout en second degré, les tubes les plus kitsch et les plus rassembleurs.

Reste, dans mon pouls rapide, la mémoire persistante d'une heure de concert, ou plutôt son amnésie. Reste la sensation résurgente d'Irène, une approche personnelle du son originel. 

 

IRèNE - "NEk" sortie octobre 2012
enregistré par Lucas Garnier
Mixé par Clément Edouard
Réalisé par IRèNE
Co-production Carton Records/ Coax Records
Graphisme © Heureux Les Cailloux

Aldo Paredes Orejuela - http://www.aldoparedes.com/

Texte : Gaëlle Jeannard